Mes seiches à l’encre ont le goût de Pétrole !

Ah ! La tranquillité des restaurants italiens. Mon amie est folle des seiches à l’encre sur leur lit de pâtes fraîches. Depuis qu’elle m’a fait découvrir cela, nous nous en délectant au cours de longues soirées, un verre d’Orvieto à la main. Mais ce soir nos retrouvailles étaient particulières. Ecologiste convaincue, elle revenait d’avoir prêter main forte aux milliers de bénévoles qui nettoient les plages mazoutées de l’Atlantique.

Geste admirable, geste au combien utile. J'avoue être admiratif et un peu honteux d’être resté à Paris, bien au chaud. Alors que je baissais mon visage vers ces pâtes, un vent de révolte souffla soudain. Le noir de l’encre rejaillissait dans mon âme. Pourquoi cette angoisse de ne pas avoir été un de ces bénévoles en ciré jaune m’assaillait-elle alors que je n’étais nullement responsable de cette catastrophe ?

Tous ces gens qui travaillent à ramasser le pétrole visqueux, qui offrent leur travail sont finalement une seconde fois les dindons d’une farce qui semble ne jamais vouloir s’arrêter. Ils travaillent et donnent gratuitement leur peine à une compagnie pétrolière qui finira par en tirer tous les profits. Car réfléchissons deux secondes. Chacun commence maintenant à comprendre que ce bateau naufragé n’était plus suffisamment sûr pour naviguer. Ses derniers contrôles étaient probablement plus que suspects.
Bien sûr les enquête feront leur chemin. Mais ce bénévolat finit vraiment par enrichir un peu plus cette compagnie. On attendra les indemnités, trop tard, trop peu, et ceux qui ont nettoyé ne seront jamais payés.

Aux Etats-Unis, il existe une loi qui protège les populations contre ce type d’agression. Les condamnations sont fortes, les travaux d’assainissement sont remboursés par les fautifs. Mais en France, tout cela semble s’éteindre dans le silence. La même loi est-elle déjà mise en chantier, tous ces bénévoles seront-ils payés de leur travail, les travailleurs de la mer seront-ils indemnisés à la hauteur de leur perte, à la hauteur d’une compagnie qui pourrait être plus encline à défendre ses intérêts à courts termes que les intérêts généraux. Oui, il faudrait un exemple dur pour que dans quelques années tout ceci ne recommence pas.

Mais les réactions sont discrètes, moins médiatisées que ces bénévoles qu’on finira par oublier aussi rapidement que les procédures seront longues, voire interminables.

Vraiment, il y a quelques choses de révoltant face aux discours biaisés. On attendait une grande action, on ne verra que des pioches et des pelles laissées à elles-mêmes. On attendrait une grande législation qui imposerait des amendes si lourdes que l’environnement ne serait plus sacrifié aux intérêts du moment. Mais rien ne vient. Cela existe aux Etats-Unis, mais que fera-t-on en France ? Y-aura-t-il un grand mouvement de citoyenneté qui finira par dire non ?

Je regarde mes seiches dont l’encre noire coule doucement sur les pâtes. Mon amie sourit tant elle fut heureuse d’être sur les plages de l’Atlantique. Il y a un espoir dans ce sourire et une crainte, celle d’accepter l’inacceptable. Parfois moi aussi je crains, je crains que nous soyons déjà devenus comme ces porcs de Virginie qu’on menait à l’abattoir si bien décrits par mon ami philosophe.


Une autre chronique de l'impertinent Indic !


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