Une pizza froide venue du Japon...
Alors que je dégustais un repas italien chez l'un de nos amis, le bon mot que vous partagiez avec ce président américain érotomane à l'adresse du nouveau premier ministre japonais me revenait en tête. "Une pizza froide".

Certes, la mienne fut ce soir exquise, à bonne température et je passais un excellent moment gastronomique.
Il faut avouer qu'il n'en va pas toujours de même lorsque les conversations parisiennes abordent avec un regard dont l'apparence entendue n'a d'égal que le retour au désert de l'ermite éreinté, la question asiatique.
Beau prétexte à exposer les finesses stratégiques de leurs beaux parleurs, ces morceaux d'approximations économiques et d'évidences sur médiatisées s'achèvent inexorablement sur quelques vérités assénées et frappées de la grossièreté et de l'inélégance littéraire dont le florilège que voici vous offrira un aperçu édifiant. " Les Japonais y sont niqués", " Les bridés y l'ont dans le cul" , "L'Asie s'était du vent".
Je sais que la brève de comptoir a ses règles souvent incontournables et que vous appréciez fort. Je vous avoue cependant mon étonnement face à cette proximité de vocabulaire et de style avec les gouvernants d'outre atlantique. Ceux qui nous dirigent seraient-ils naïfs, voire stupides, j'ose à peine le croire.
Qu'il y ait une crise asiatique, et même des crises asiatiques, aucune personne un peu intelligente ne le nie plus depuis près d'un an. Mais que cette crise soit purement asiatique et nécessairement japonaise peut prêter à sourire. Cette crise est mondiale.
Le Japon a naturellement ses difficultés; une absence chronique d'État, un système financier largement incontrôlé et à l'évidence corrompu, une classe politique dont le manque d'imagination n'a rien à envier à la nôtre. Mais lui imputer tous les maux de la crise est un pas qui me semble relever de l'inintelligence rare ou du survol désinvolte et de courte vue d'air force one à son retour de Chine.

Qu'y a-t-il de commun entre l'Indonésie du passé Suharto, le Japon de Keizo Obuchi, la Russie de Eltsine, bientôt le Venezuela, le Mexique ou le Brésil. Rien ou presque exception faite de la crise financière et monétaire.
Cette communauté de la déconfiture économique est loin d'être une communauté ou ethnique. C'est plutôt la communauté mondialisée des déboires libéraux.
N'en déplaisent à quelques personnes à la jeunesse fascisante, émules de démocratie libérale et aux partisans de la privatisation des caniveaux et des toilettes publiques, la crise asiatique en voie de globalisation est d'abord une crise du secteur privé.
Une angoisse doit réinterpréter vos traits à la lecture de ses lignes mais je vous assure que la solvabilité douteuse des créances privées libellées en monnaies locales et adossées au dollar furent à l'origine de l'implosion lorsque ce dernier s'ingénia à s'apprécier. A 5,50 on s'enrichissait en rond, à 6,10 le népotisme d'un Suharto ne pouvait y résister. Effondrement de l'immobilier à Hongkong, faillite en Corée, cessation de paiement en Russie, Yakuzas congédiés à Tokyo, toujours l'initiative privée prise en défaut.
Et tout ce petit monde qui attend l'aide public a décharné le F.M.I pris au piège de son propre discours libéral Reste l'Europe, pour l'instant épargnée. Ne la disait-on pas en retard sur le chemin de l'économie privée ? Vous comprenez pourquoi ces beaux discours sur la fin du Japon et de l'Asie me font doucement rire. Le Président américain voudrait y croire comme faire l'amour par procuration. C'est mal connaître l'empire du Soleil Levant dont les fondements économiques vont à l'encontre de l'économie libérale.

Obuchi répondit qu'une pizza froide, ça se réchauffe. Je ne prendrais pas cette parole à la légère venant d'un pays rompu à l'art du micro onde.

Voilà mes premiers contacts avec l'insignifiance des paroles de notre temps. Comme l'écrivait l'un de mes amis philosophe, il faudrait cesser de penser comme les porcs de Virginie que l'on mène à l'abattoir.


Une autre chronique de l'impertinent Indic !


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