2000 encore !

Derrière une grosse brochette thalassa, les yeux ronds de mon amie d’un soir roulaient sur les chairs rôties des poissons. Les guirlandes du prochain Noël virevoltaient joyeusement. Nous mangions d’un bon appétit. Il nous faudrait oublier que demain ce sera l’an 2000, me confia-t-elle soudainement plongeant encore plus goulûment sur sa brochette. L’approche de cette date toute ronde serait-elle la cause d’une crise de boulimie collective ? Du moins bouleverserait elle le bon peuple. A vrai dire, cette date ne bouleverse peut-être personne. Une nouvelle année arrive aussi banale que la précédente et le décompte stupide qui trône sur la Tour Eiffel n’y changera rien. 2000, une date mythique qui ne veut plus rien dire, c’est amusant non. 2000, c’était l’horizon du futur, l’avènement d’un nouveau monde où tout deviendrai possible, les débuts d’un âge d’or, que dis-je, l’âge d’or lui-même. Depuis mon enfance, 2000 gratifiée parmi toutes les années du calendrier d’un prestigieux “l’an”, 2000 année haussée au rang de personne brillait de mille feux. Le temps est passé et la banalité est venue, quoi de plus étonnant. Les aléas de l’humanité ne suivent pas les impératifs du calendrier grégorien. Le 1er janvier sera un peu humide, empli d’un soleil froid et le quotidien sera toujours le quotidien. Est-ce désolant ? Pas tant que cela. Le refus diffus de la fête prête à consommer est plutôt rassurant. L’époque des grandes commémorations est peut-être passée de mode. Malgré les médias, les humains garderaient une tête avec un cerveau dedans. Pourquoi pas. On profitera des promotions mais on ne s’abrutira pas de l’an 2000 comme l'espéraient les publicitaires ou disons pas trop. Mon amie replonge dans sa brochette. La boulimie demeure persistante. 2000 a quand même du mal à passer. Le 1er janvier sera humide ou radieux à moins qu’il ne soit pas. La crise informatique de 2000, je réfléchis un instant. Oui, c’est toujours possible. La peur de l’avenir si clairement exprimé. Oui c’est probable. Le désenchantement des illusions perdues. C’est certain. En 1900, on pensait que le siècle qui frappait à la porte allait résoudre les difficultés de l’humanité. En 2000, on sait que les difficultés sont là et bien là. Crise probable de la société techno scientifique, défis de la génétique, mutation des classes, paupérisation sont au menu. De cette planète tiraillée va-t-il sortir quelque chose de meilleur. Mon optimisme naturel me pousse à le croire, pourvu que nous soyons attentifs. Mon amie a fini sa brochette. D’ailleurs 2000 n’intéresse que le calendrier de chrétiens, il y a des tas d’autres pays qui sont à des dates bien différentes, 6000, 1420, moi pour ma part je suis en 210 de la République française et ma seule question est de savoir s’il y aura encore du poisson en 310. J’aime sa lucidité, elle m’empêche de devenir comme ces porcs de Virginie qu’on menait à l’abattoir. Afin de demeurer lucide, créons le club de ceux qui ne veulent pas devenir des porcs de Virginie qu’on mène à l’abattoir. Que tous ceux qui aiment s’exprimer sur les choses du monde le fassent au sein de cette chronique de l’indic. Envoyez-la sur le mail de restoaparis, elle viendra nourrir le débat. En attendant retrouvez très bientôt l’indic dans son enquête sur les organismes génétiquement modifiés, une belle perspective pour les assiettes de l’an 2000, encore !

Une autre chronique de l'impertinent Indic !


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