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![]() Il y a peu de temps que je suis dans la vie mais ce vous me préparez ne me plaît du tout. Je commence à avoir une petite idée sur ce que fut le siècle qui s’achève et je n’ai guère confiance sur celui que vous me construisez. Pour apprendre à parler je n’aurais entendu que vos litanies sur l’aube du troisième millénaire, vos discussions infinies pour savoir si le siècle s’est achevé en Irak, à Sarajevo ou à Seattle ou vos délires sur la mondialisation.
Je ne sais pas si j’existerai au sein de la première mondialisation, celle du capitalisme techno-scientifique ou au sein de la seconde mondialisation, celle de la citoyenneté planétaire faite de local et de global. Cela me paraît bien dérisoire d’ailleurs quand je pense que ma mère est née à l’ombre du Fuji Yama et mon père sur les plaines venteuses des Flandres. J’irai mon chemin, un bout de Roquefort dans une main et un verre de saké dans l’autre. Et je ne serai pas le seul à faire ainsi. On dit déjà que j’appartiendrai à une hyper classe d’êtres nomades et connectés. Connecté, je le fus très jeune. Cela m’a permis de voir plus rapidement ce qu’est le monde que vous m’offrez. Un univers plein de bruits et de fureurs et qui ne veut rien dire. Mais je ne suis pas Shakespeare, je ne suis que Misao, un petit garçon qui aura cent deux ans en 2100. Alors je vous ai regardé et j’ai découvert que vous ne regardiez rien. Le monde peut bien hurler ses vérités, personne n’y prête attention à part peut-être les petits. Il suffirait de tendre l’oreille, simplement tendre l’oreille pour découvrir un peu de sens. Partout la vie explose respectant une mystérieuse conscience mais vos logiques demeurent mortifères. Alors laissez moi construire mon siècle, laissez moi lui donner vie, une petite musique dans la tête, un pas à droite, un pas à gauche, laissez nous faire cela car nous aurons tous cent deux ans en 2100. ![]() |